Biographie d’Antoine de la Garanderie, philosophe et pédagogue 1920 – 2010

Son parcours

Etudiant

Etudes de philosophie à l’université de Rennes ; il fut l’étudiant de deux maîtres qui ont marqué sa pensée : Albert Burloud (psychologie des tendances) et Roland Dalbiez (clarté et rigueur philosophique).

Sa thèse de doctorat porta sur l’œuvre de Burloud : Schématisme et thématisme : le dynamisme des structures inconscientes dans la psychologie d’Albert Burloud.

Enseignant (1946-1963)

  • Classes de philosophie à Saint Jean de Béthune – Versailles
  • Classes préparatoires à Sainte Geneviève (Ginette) – Versailles
  • Chargé de cours à l’Institut Catholique de Paris
  • Psychologue scolaire

Missions et responsabilités (1963-1980)

Délégué général des Parents des élèves de l’Enseignement Libre (APEL), il a dans ce cadre contribuer à développer la notion de « communauté éducative » (thème du congrès de Lyon 1967) et de « projet éducatif » (thème du congrès d’Angers 1971) faisant prendre conscience de l’importance d’un véritable projet éducatif pour donner sens à la notion de communauté éducative.

Directeur adjoint de l’Institut supérieur de Pédagogie à Paris (ISP).

Directeur de l’Institut Audiovisuel (IDA), il promeut une pédagogie de la participation : facteur de responsabilisation et d’autonomie, instituant ainsi un nouveau mode de relation entre professeurs et étudiants.

Recherches (1975-1995)

A l’IPEC Lorraine, il met en place avec Dominique Milord des actions pédagogiques dans 4 établissements de la région. Cette « campagne des talents » lui permettra d’approfondir ses recherches et de développer sa théorie des profils pédagogiques. Les profils pédagogiques sont dédiés à ses collègues de la « Campagne des talents ».

A la demande du ministère de l’Education nationale, il mène deux expérimentations sur ses travaux dans des écoles primaires et collèges publics de la région parisienne ; elles donneront lieu à 2 rapports : « Pédagogie des gestes mentaux de l’apprentissage ». Expérimentation en primaire 1981-184 ; Expérimentation en collèges 1986-1988.

Professeur à l’Institut Supérieur de Paris (ISP) et à l’Université Catholique de l’Ouest (UCO), il dirigea de nombreux séminaires de recherche en lien avec l’université de Lyon II où il fut Directeur de recherche.

Il est intervenu dans de nombreux pays étrangers (cours, conférences, formations) jusqu’à a fin de sa vie.

Sa pensée

Dès ses études de philosophie à Rennes, il s’intéressa à la philosophie et à la psychologie de la connaissance ; il conduisit de nombreuses expérimentations auprès d’élèves et étudiants pour comprendre la manière dont ils s’y prenaient pour apprendre et comprendre. Il découvrit, à la manière d’un expérimentaliste, qu’ils avaient acquis des habitudes de connaissance dont on pouvait faire la description et qui expliquaient les raisons de leurs réussites ou échecs.

Antoine de La Garanderie appréhenda les phénomènes de la connaissance selon une triple approche : pédagogique, psychologique, philosophique.

  1. pédagogique : comment aider l’élève à s’adapter aux exigences des apprentissages proposés par tout type d’enseignement – importance d’une nouvelle éthique qui permet à l’élève de se découvrir comme acteur de sens et d’être son propre pédagogue ;
  2. psychologique : se comporter en expérimentaliste en mettant les élèves en situation de tâche, puis les interroger sur leur manière cognitive d’opérer pour effectuer cette tâche – importance ici de l’introspection et du témoignage en première personne pour atteindre la réalité des vécus de conscience et de connaissance des sujets ; dépassement du behaviorisme ;
  3. philosophique : découvrir les conditions transcendantales de la connaissance, à la manière d’un phénoménologue – importance ici de découvrir les grandes lois de la connaissance.

Comme tout philosophe, il fut l’inventeur de nombreux concepts et syntagmes pour redessiner les réalités de la connaissance. Gilles Deleuze écrit dans un article sur Bergson (publié dans L’Île déserte1) : « Un grand philosophe est celui qui crée de nouveaux concepts ; ces concepts dépassent les dualités de la pensée ordinaire et donnent aux choses une vérité nouvelle, une distribution nouvelle, un découpage extraordinaire ». En proposant les nouveaux concepts tels que « atmosphère de sens », « lieu de sens », « projet de sens », « introspection eidétique », « geste mental », en redéfinissant les notions « actes de connaissance », « dialogue pédagogique », « motivation », « attention », « mémorisation », « réflexion », « compréhension », « créativité », Antoine de la Garanderie a fait œuvre de philosophe et redistribué les concepts habituels de la pédagogie et de la psychologie cognitive.

Ses recherches philosophiques, cognitives et pédagogiques se sont inscrites dans la lignée des philosophes et psychologues tels Albert Burloud, Alfred Binet, Pierre Janet et l’école allemande de Würzburg (Henry Jackson Watt, August Messer, Karl Bühler). Il a toujours mis à distance une approche réductionniste de la conscience : la conscience n’est pas un fantôme dans la machine cérébrale ; son étude ne peut donc se limiter aux observations neuroscientifiques d’une part et comportementalistes d’autre part. Antoine de la Garanderie s’est, ainsi, opposé à toute tentative de naturalisation de la conscience ; il écrit, dans La Valeur de l’ennui2 : « Notre thèse n’est pas celle d’un naturalisme psychologique désuet. Nous voulons dire que la conscience dans son mouvement intentionnel a contracté des habitudes de signifier ses situations qui remontent à tout un passé allant jusqu’aux ébauches de la conscience vitale. »

Ses découvertes sur les lois de la connaissance ont poursuivi les recherches fondamentales des phénoménologies allemande (Husserl, Heidegger) et française (Merleau-Ponty). Antoine de la Garanderie eut son propre chemin phénoménologique : la « phénoménologie des actes de connaissance » qui a nourri sa pédagogie des gestes mentaux (« didactique des actes de connaissance »). Son approche de la pédagogie ne s’est jamais limitée à la seule lecture didactique (« comment apprendre à apprendre  »), il a proposé une éthique du connaître qui pose à neuf la question de la relation pédagogique entre enseignant et enseigné.

Ses ouvrages, traduits dans plusieurs langues, ont bouleversé les pratiques et théories pédagogiques, en affirmant notamment la nécessité d’enseigner aux élèves les processus cognitifs pour toute acquisition du savoir. Il a ouvert la voie aux pédagogies différenciées qui souhaitent faire de chaque élève le propre acteur de son apprentissage en proposant ainsi une didactique des actes de connaissance.

1 Editions de Minuit, page 29.
2 Paris, Le Cerf, 1968, page 68.