Published On: 17 avril 2022

Plusieurs hypothèses pourraient bien sûr être déployées à partir de ce témoignage. Je vous présente ici les conclusions d’une d’entre elles qu’il me semble particulièrement intéressant d’explorer ensemble.

Inconsciemment, ne projetons-nous pas sur la réalité le sens que nous voulons donner aux choses que nous percevons ?

L’interprétation de ce que nous entendons ou de ce que nous lisons n’est-elle pas à la base de nos diverses sources d’incompréhension et la cause de la multiplicité des conflits qui en découlent ?

En effet, il arrive que parfois, nous prélevions des informations issues de ce que nous percevons (que nous entendons ou que nous voyons), pour que ces dernières correspondent à ces projections, en ignorant qu’il s’agit d’un angle d’interprétation personnel qui n’est pas la réalité elle-même. Nous retrouvons évidemment ce phénomène dans les apprentissages mais également dans la communication en général.

L’élève qui lit une consigne prélève parfois spontanément certains mots qu’il comprend, dont il peut se faire une traduction mentale en lien avec ses connaissances, sans forcément les relier aux autres mots de la phrase s’il ne les comprend pas. Le cerveau va alors recomposer le sens de cette phrase à partir des mots présents dans sa conscience, « en comblant les trous ». Il peut exprimer la sensation de ne pas comprendre la consigne ou il pourra aussi avoir l’impression de l’avoir comprise alors que le sens de ce qu’il aura compris sera différent du sens de la phrase qu’il aura lue.               

Autre exemple, dans une dispute conjugale, si un des deux a spontanément l’impression d’avoir raison ou d’être victime du conflit, il prélèvera dans ce que dit l’autre, les mots qui le confortera dans sa position de victime ou les mots qui lui confirmeront qu’il a raison, tout en délaissant les mots qui n’iront pas dans son sens. La communication est alors biaisée et on entend ainsi souvent dire « c’est un dialogue de sourd ! ».           

Dans un premier temps, si nous prenons conscience de ce phénomène de la vie mentale, nous éviterons que « nos projets de sens agissent en nous à notre insu », lorsqu’ils nous donnent à croire que ce que nous avons vu ou entendu (c’est-à-dire ce que nous avons perçu de la réalité) serait la stricte vérité puisque cette réalité s’avérait alors déformée par la manière dont nous avons interprété des éléments parcellaires qui vont dans le sens de ce que nous croyons ou de ce que nous voulons.

L’interprétation que nous nous faisons de la réalité perçue irait donc dans le sens de ce qui préexiste en nous comme croyances, connaissances, valeurs, projets etc.

Reconnaître consciemment le sens qui oriente et dirige notre manière d’interpréter le monde, les êtres et les choses, nous permettrait peut-être déjà de ne pas « nous faire avoir » et de récupérer du pouvoir sur notre façon de traiter une information pour qu’elle soit la plus juste possible.

Par conséquent, au moment où certaines informations se manifestent à notre conscience, ne pourrions-nous pas confronter le sens qui en découle, en déployant un regard plus avisé, car plus ciblé et plus modeste ? Nous ferions alors l’expérience d’un discernement plus conscient que d’entreprendre l’illusoire et injonctive entreprise de nous « connaître », trop ambitieuse pour pouvoir réellement être menée à bien ! En effet, l’inconscient semble souvent bien trop vaste pour espérer en avoir la maîtrise et nous ne pouvons d’ailleurs que difficilement y accéder. De plus, lorsque nous y parvenons, ce ne sont que par de minces interstices, eux-mêmes très aléatoires ! Soyons donc plus modestes. La perspective d’agir plus consciemment sur notre manière d’appréhender le monde ne pourrait-elle pas se révéler plus réaliste et devenir alors une ressource éclairante plus prometteuse ?

Dans un deuxième temps, à la lueur de cette prise de conscience, ne serait-il pas également judicieux de s’entrainer à changer d’angle de vue, à cheminer vers d’autres systèmes de pensées, à s’enrichir d’autres référentiels, à s’ouvrir à différentes perspectives, pour affuter notre conscience des choses ? La possibilité de s’affranchir de ses propres schémas de pensées, susceptibles de déformer l’information initialement perçue, tout en s’enrichissant d’autres processus mentaux, reste une affaire complexe bien sûr. Y parviendrions-nous systématiquement ? Probablement pas ! Mais n’est-ce pas déjà réellement enthousiasmant de pouvoir cheminer à travers cet univers mental, tout en gagnant en souplesse et lucidité ?

Durant les séances d’accompagnement en Gestion mentale, accueillir inconditionnellement le vécu de la personne à travers ce qu’elle exprime consciemment durant un dialogue pédagogique bienveillant et respectueux de son fonctionnement, représente selon moi un premier pas incontournable pour l’accompagner à se libérer de la croyance la menant à s’imaginer détenir une forme de « vérité » rigide et immuable, tout en lui permettant ensuite d’aller autant que possible, vers plus d’acuité et de flexibilité cognitive.

Dans une perspective plus large, n’est-ce pas là tout l’enjeu d’une société pacifiée, pacifiste et pacifiante, soucieuse de la liberté et du respect de chacun ?

Axelle ADELL

 

Ressources

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Vestibulum sed congue nisi. Curabitur in ipsum sagittis, cursus mi quis, consectetur nunc.